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En Russie, la justice intensifie la répression jusqu’à l’absurde

Jour après jour, verdict après verdict, la chronique judiciaire russe donne l’impression d’un tourbillon dans lequel les années, et désormais les décennies de prison s’empilent contre ceux qui s’opposent à la politique du Kremlin, parfois d’un simple mot, d’une simple publication sur Internet. Deux verdicts, rendus jeudi 28 et vendredi 29 décembre, montrent qu’une étape supplémentaire a été franchie dans la brutalité avec laquelle le pouvoir russe traite ses citoyens.
Il y a d’abord le dossier d’Artiom Kamardine, 33 ans, et d’Egor Chtovba, 23 ans. Les deux jeunes hommes ont été condamnés respectivement à sept ans et cinq ans et demi de prison, jeudi, pour « incitation à la haine » et « appels publics à commettre des activités contre la sécurité de l’Etat ». Le tout-venant, là encore, sauf qu’il s’agit de la première condamnation prononcée pour la lecture d’un poème depuis le début de la guerre à grande échelle contre l’Ukraine.
Ou plus probablement depuis la période soviétique, lorsque Joseph Staline supervisait personnellement la déportation d’Ossip Mandelstam. « Aujourd’hui, la poésie doit être civique », disait le poète, mort au goulag en 1938. C’est le credo qu’ont repris Kamardine et Chtovba, en participant, le 25 septembre 2022 à Moscou, aux « lectures de Maïakovski », une tradition née justement dans la dissidence soviétique, qui voit des poètes de tous âges déclamer leurs compositions en pleine rue, une fois par an.
Le poème d’Artiom Kamardine s’intitulait Tue-moi, milicien. Il y insulte en termes crus les républiques séparatistes du Donbass et évoque les « fosses communes » d’Ukraine. Vingt-quatre heures plus tard, Kamardine voyait la police débarquer chez lui. Il affirme avoir été violé à l’aide d’un haltère par des policiers, durant sa détention. Sa femme, également arrêtée et victime de violences, a corroboré ce récit, assurant que les policiers lui avaient fait visionner la vidéo du viol.
Durant les audiences, le jeune poète n’a rien renié. « Beaucoup de gens que j’admire ont vécu l’expérience de la prison, à commencer par Maïakovski », a-t-il dit juste avant sa condamnation, avant de lire des vers consacrés à la poésie. Il n’a toutefois pas caché la peur que lui inspirait la prison et a demandé la clémence. Implorant le juge de le laisser « rentrer à la maison », il a promis de se tenir à distance de tout « sujet sensible ». « Je ne suis pas un héros, et aller en prison pour ce que je pense n’a jamais fait partie de mes plans », a-t-il encore dit, sans obtenir la moindre pitié. « Honte », a crié sa femme à l’énoncé du verdict, avant d’être emmenée par la police. Une dizaine de personnes, dont des journalistes, ont également été arrêtées.
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